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Les styles et stratégies d'enseignement

Les styles d'enseignement : un concept opérationnel

Entre autres acceptions, le "style", c'est la " manière personnelle d'agir, de se comporter... " (ROBERT). Par extension, on parle de "style de vie", de "style d'action"...

Alors, pourquoi pas "style d'enseignement" ?

En éducation, depuis les célèbres expériences de Lewin, Lippit et White (1939) sur les styles de commandement, ce concept est relativement familier. Le style d'enseignement se rapporte à la manière personnelle d'établir la relation avec les élèves, de gérer une classe ou un groupe d'apprentissage, sans préjuger des méthodes ou des techniques mises en oeuvre (stratégies).

Plusieurs recherches ont été consacrées aux différentes "dimensions" des styles d'enseignement et à leur incidence spécifique chez les apprenants (cfr bibliographie). Une revue, même sommaire, de ces travaux dépasse le cadre de cet présentation.

Relevons simplement quelques indications générales :

  • le concept de style d'enseignement s'avère utile à la compréhension et à l'explication du processus enseignement-apprentissage;
  • il n'existe pas un style idéal d'enseignement qu'il faudrait s'efforcer de maîtriser, mais bien des styles relativement opportuns en fonction de diverses variables individuelles et institutionnelles;
  • une des caractéristiques de l'enseignant efficace est la capacité de varier son style et ses stratégies.

En formation, ce concept de " style " nous paraît, finalement, plus opérationnel que les concepts classiques plus extensifs ou plus restrictifs comme méthodes, systèmes, techniques, attitudes, skills,...

Pour éviter toute équivoque, nous nous en tiendrons provisoirement aux définitions suivantes :

  • style d'enseignement, manière particulière d'organiser la relation enseignant-enseigné dans une situation d'apprentissage;
  • stratégie d'enseignement, ensemble de comportements didactiques coordonnés (ex. : exposé, démonstration, débat...) en vue de faciliter des apprentissages déterminés.

Il reste bien entendu qu'un même style peut faire appel à des stratégies très différentes.

La grille THERER-WILLEMART

En s'inspirant librement des travaux de Blake et Mouton (1964) en matière de management, Therer et Willemart ont tenté d'identifier et de décrire quatre styles d'enseignement représentatifs des pratiques pédagogiques observables.

Ces styles se définissent à partir d'un modèle bidimensionnel qui combine deux attitudes de l'enseignant : attitude vis-à-vis de la matière et attitude vis-à-vis des apprenants. Chacune de ces attitudes s'exprime à des degrés divers, faibles ou forts, désintérêt ou intérêt. La combinaison de ces deux attitudes permet d'identifier quatre styles de base :

  • Style transmissif (9.1), centré davantage sur la matière;
  • Style incitatif (9.9), centré à la fois sur la matière et sur les apprenants;
  • Style associatif (1.9), centré davantage sur les apprenants;
  • Style permissif (1.1), très peu centré tant sur les apprenants que sur la matière.

Schématiquement, la grille se présente comme suit :

Grille THERER - WILLEMART (1983), inspiré de BLAKE et MOUTON (1964)


En outre, Therer et Willemart formulent l'hypothèse que chacun de ces quatre styles peut se révéler efficace ou inefficace en fonction des situations et en fonction des interventions plus spécifiques de l'enseignant ou du formateur. Il n'existe donc pas un " bon style " valable en toutes circonstances.

Comment choisir un style d'enseignement ?

Les recherches sur l'efficacité comparée des divers styles d'enseignement restent relativement rares et limitées. A première vue, tous les styles se valent. Mais, est-ce bien exact ?

En fait, ces mesures comparatives s'appuient, le plus souvent, sur la mesure de la performance scolaire (achievement test) : on s'en tient donc aux objectifs cognitifs de niveau inférieur, sans tenir compte des changements d'attitudes. Dans ces conditions, il est vrai qu'il n'y a guère d'arguments probants en faveur de l'une ou l'autre façon d'enseigner. Alors comment choisir ?

Quatre critères doivent être retenus :

  • La nature des objectifs à atteindre;
  • Le degré de motivation des étudiants;
  • La capacité des étudiants.
  • Le style d'apprentissage des étudiants.

1. La nature des objectifs éducatifs

En principe, tous les styles conviennent pour réaliser des objectifs cognitifs de restitution. Le choix dépend alors des circonstances (budgets, horaires...) et des préférences personnelles de l'enseignant.

Les objectifs socio-affectifs de haut niveau (esprit critique, capacité de travail en groupe,...) sont atteints plus aisément par les styles incitatifs et associatifs faisant appel à des stratégies telles que discussions de groupe, méthode des cas.

Quant aux objectifs psychomoteurs en sciences (par exemple le titrage, les manipulations...), ils requièrent nécessairement le recours à tous les styles et à de multiples stratégies comme la démonstration, les travaux pratiques et même le drill.

2. Le degré de motivation des étudiants

Une stratégie d'enseignement est opportune si elle induit chez l'étudiant un sentiment de réussite, de progrès personnel, de responsabilité...

Les stratégies centrées sur l'étudiant favorisent ces attitudes et induisent ainsi un apprentissage intrinsèquement motivant. Il convient pourtant de préparer progressivement les étudiants à ces stratégies moins directives. Le professeur donnera d'abord un " cadre général " et des informations fondamentales puis il s'orientera vers un style de plus en plus associatif.

3. La capacité des étudiants

Peu de recherches expérimentales existent dans ce domaine. Il semblerait (Davies,1971 et Dupont, 1982) que :

  • les étudiants moins "performants " préféreraient au départ un enseignement plus directif et plus formalisé;
  • les étudiants " plus performants " ou " très performants " préféreraient des stratégies plus associatives;

C'est dans ce sens qu'on a pu dire et écrire que la pédagogie non-directive "renforce parfois les handicaps cognitifs ".

4. Le style d'apprentissage des étudiants

Ce point capital est précisément l'objet de la présente recherche. Nous le développerons dans le chapitre suivant.