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Styles d'apprentissage

Peut-on concevoir une façon idéale d'aborder et de résoudre un problème ? Certainement pas. Tout dépend de la nature du problème, des circonstances et, surtout, des spécificités individuelles. En fait, confrontés à une même situation, la plupart des sujets observés présentent des réactions diversifiées, parfois très contrastées.

Comment pouvons-nous interpréter, respecter et valoriser ces différences ?

Qu'est-ce qu'un style d'apprentissage ?

Comme nous l'avons vu plus haut, le style, c'est la " manière personnelle d'agir et de se comporter... " (ROBERT). Par extension, le style d'apprentissage d'un individu, c'est son mode personnel de saisie et de traitement de l'information. En pratique, et en d'autres termes, le style d'apprentissage c'est donc la manière préférentielle d'aborder et de résoudre un problème. Cette définition, délibérément succincte, appelle quelques commentaires.

a. Enseigner n'est pas synonyme d'apprendre. Les styles d'enseignement désignent des modalités de la communication didactique; les styles d'apprentissage sont des modalités de résolution de problèmes.

b. Le style d'apprentissage et le style cognitif sont des concepts distincts, même s'ils sont souvent confondus. Pour les puristes, le style cognitif est inné et stable tandis que le style d'apprentissage résulte de l'inné et de l'acquis et peut donc évoluer par l'expérience.

c. Les styles d'apprentissage ne sont pas l'expression d'une typologie rigide qui prétendrait classer les individus en catégories strictes (à l'instar des typologies classiques). En fait, ils ne reflètent qu'un aspect particulier de la complexité des personnes.

d. On ne peut hiérarchiser les styles d'apprentissage. Tout comme dans le domaine sportif, il n'existe pas de relation univoque entre le style et la qualité de la performance.

Il n'existe donc pas une bonne façon d'apprendre ou de résoudre un problème. Nous sommes tous différents, mais complémentaires. Toute tentative pour " normaliser " la démarche intellectuelle d'un apprenant, toute tentative pour prescrire un style d'apprentissage idéal et orthodoxe relève du fantasme normatif qui ne qualifie pas pour enseigner.

Etat des recherches

Il y a bien d'autres styles cognitifs que ceux évoqués dans le tableau ci-dessous. Mais il faut prendre garde au fait que ce tableau accuse à l'excès les oppositions, comme si chaque " couple " de termes était binaire. En fait, sous des termes divers, on trouve de nombreuses interférences.

STYLES D'APPRENTISSAGE

1.

CENTRATION

BALAYAGE

BRUNER

1956

2.

IMPULSIFS

REFLEXIFS

J. KAGAN and PEARSON

1966

3.

HOLISTES

SERIALISTES

PASK et SCOTT

1976

4.

INTUITIFS

  • RECEPTIFS
  • NORMATIFS

MÉTHODIQUES

  • RECEPTIFS
  • NORMATIFS

KEEN et Mc KENNEY

1976

5.

DÉPENDANTS DU CHAMP

INDÉPENDANTS DU CHAMP

A. WITKIN

1978

6.

AUDITIFS

VISUELS

A. de la GARANDERIE

1980

7.

DIVERGENTS

CONVERGENTS

ACCOMODATEURS

ASSIMILATEURS

KOLB

1985

8.

CERVEAU GAUCHE

CERVEAU DROIT

B. McCARTHY

1986



Sur le plan pédagogique, que peut-on tirer de tout cela ?

J.P. Astolfi propose trois réflexions.

  • Sur la base de ces travaux émergerait l'idée de pouvoir dresser le " profil " de chaque élève, ce qui garantirait une meilleure efficacité pour nos actions. Ce serait oublier qu'il est impossible, à partir de ces données, de reconstituer l'ensemble d'une personnalité d'élève. Cela nous oblige à rester modestement au niveau local en examinant quel aspect est le plus directement concerné.
  • On oublie facilement que l'on est soi-même situé quelque part par rapport à ces styles, ni "neutre", ni "au-dessus". Et cela retentit d'abord sur la façon d'enseigner, revers de la façon personnelle d'apprendre.
  • Il faut garder à l'esprit la "double contrainte" qui s'impose : veiller à ce que l'enseignement ne pénalise pas les élèves dont le style d'apprentissage est éloigné de celui de l'enseignant; mais en même temps éviter d'enfermer chacun dans son propre système, lui offrir une évolution possible pour lui.

Car il y a deux manières symétriques d'empêcher un élève d'évoluer et d'apprendre : soit lui proposer quelque chose qui soit trop " sur mesure " et ne le tire pas vers l'avant; soit lui présenter un but tellement distant de ses possibilités immédiates que cela le dissuade d'abord d'entreprendre. "

Comment utiliser les styles d'apprentissage ?

Depuis des siècles, les maîtres classent les élèves en fonction de leurs notes aux examens. Depuis des décennies, les psychologues classent les sujets en fonction de leur Q.I. Peut-être est-il temps de compléter ces évaluations par des approches moins normatives, moins hiérarchisées, où la promotion de la diversité prime la sélection par la conformité. Les recherches sur les styles d'apprentissage peuvent nous y aider.

Comment faire ? Les quelques pistes suivantes peuvent aider :

  • L'auto-diagnostic de l'enseignant. En connaissant mieux ses propres habitudes cognitives, l'enseignant pourra les relativiser et sera moins tenté de les privilégier.
  • L'auto-diagnostic des élèves. Pask et Scott (1976) ont démontré expérimentalement que le non respect du style d'apprentissage des élèves hypothèque leurs apprentissages et provoque leur échec. Dans ce sens, un diagnostic valide des styles d'apprentissage permettrait de mettre en oeuvre une véritable pédagogie différenciée (cfr. expériences finlandaises, Leino et al., 1989).
  • Une meilleure gestion des ressources humaines (G.R.H.). A l'école, comme dans l'entreprise, l'identification des styles d'apprentissage devrait permettre une utilisation optimale des compétences, une communication plus efficace et la constitution d'équipes plus performantes lors de travail en groupe.